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Revenir sur les suppositions principales relatives à l’éducation inclusive en Inde

Kanwal Singh et Ruchi Singh

EENET indique souvent que chacun comprend et interprète l’éducation inclusive d’une façon différente. Il est donc important pour le développement de l’éducation inclusive que les professionnels et les législateurs aient une réflexion critique sur leurs propres croyances et suppositions. Dans cet article, Kanwal et Ruchi réfléchissent aux tensions entre éducation spéciale et inclusive en Inde, et sur les changements faits sur leurs propres suppositions concernant l’éducation inclusive, un processus qui a conduit à une meilleure mise en œuvre de l’éducation inclusive.

Il y a dix ans, l’éducation inclusive en Inde était un des sujets de discussion préféré parmi les éducateurs spécialisés. Elle a commencé comme une approche ciblant spécifiquement les enfants handicapés. L’objectif était de transférer les enfants d’écoles discriminées dans des écoles ordinaires, tout en apportant plus tard une aide et des ressources adéquates. Cette aventure semblait passionnante, nous avons appris du nouveau vocabulaire et nous avons apprécié le changement!

Nous n’avions aucun doute sur le bénéfice de l’éducation inclusive. Cependant, en nous préparant à passer du « pourquoi » de l’inclusion au « comment », les doutes n’ont pas arrêté de surgir dans notre esprit. Un certain nombre de questions nous tourmentaient : Est-ce que les écoles ordinaires étaient prêtes? Elles n’étaient pas accessibles. Est-ce que les enseignants étaient préparés? Comment se débrouilleraient-ils avec « nos » enfants dans des classes de 50 élèves? Est-ce que les élèves seraient capables de s’en sortir avec la rigidité du système d’évaluation? Qui aurait la responsabilité de la thérapie, des sessions individuelles et des besoins quotidiens? Est-ce qu’il n’y aurait pas d’autres élèves pour se moquer de « nos » enfants?

Des débats animés au sein de la communauté de l’éducation spécialisée ont eu lieu. De nombreux éducateurs spécialisés étaient sceptiques et ont mis en garde contre des répercussions. Des sessions laborieuses ont été organisées pour les convaincre qu’il s’agissait d’un processus en cours, aux bénéfices à long terme, et qu’ils devaient être plus «flexibles» et «changer» avec le temps.

Dix ans plus tard, nous avons l’impression d’être coincés dans une capsule temporelle; l’Inde interprète encore l’éducation inclusive comme limitée aux enfants handicapés. Peu d’accords existent entre les «spécialistes du handicap» sur les stratégies et les pratiques pour traduire la théorie inclusive en réalité. La théorie (qui est basée sur un modèle de société et de droits) est déconnectée de la pratique courante (qui est dictée par le modèle médical du diagnostic, de l’évaluation, et de la programmation). Les écoles qui s’enorgueillissent d’être pionnières dans l’éducation inclusive ont en réalité mis en place des écoles spécialisées (appelées centres de ressources) au sein des écoles ordinaires. Certains, dans la communauté de l’éducation spécialisée, se sentent désorientés à cause de rôles et de responsabilités ambigus. S’ajoutent à cette cacophonie des enseignants d’écoles ordinaires perplexes et des parents inquiets.

En tant que membres de la communauté de l’éducation spécialisée, ce qui nous a ennuyés le plus était que malgré leurs bonnes intentions, les politiques et les pratiques défendues par la communauté de l’éducation spécialisée ces dernières années ont peu fait pour faciliter l’éducation inclusive. Au contraire, elles ont contribué à introduire et à renforcer des politiques et pratiques d’exclusion au sein des écoles ordinaires.

Il y a quatre ans, une mission pour mettre en place une école primaire inclusive pour une organisation indienne à but non lucratif a été lancée. C’était l’occasion idéale de concevoir et établir un système scolaire qui suivait la «vraie» inclusion, où la théorie était à l’unisson avec la pratique. Nous n’allons pas raconter ici l’histoire de cette école, mais nous allons plutôt vous faire partager les processus de réflexion associés à la réalisation de l’école.

Nous avons commencé par étudier les modèles existants d’écoles inclusives et par identifier les fossés entre théorie et pratique. Nous avons vite réalisé que nous questionnions les croyances et suppositions communément admises soutenant les fondements de l’éducation inclusive en Inde. Un nouvel ensemble de suppositions est sorti de cet exercice, et a par la suite défini notre cadre pour l’inclusion, comme résumé ci-dessous :

Suppositions communément admises Suppositions révisées
L’inclusion concerne seulement les enfants handicapés. L’inclusion n’est pas limitée aux enfants handicapés. Elle inclut tous les enfants : répondre à l’exclusion dans toutes ses formes pour permettre à tous d’avoir une instruction significative et de qualité.
Tous les enfants handicapés ont besoin d’une éducation spécialisée. Tous les enfants handicapés n’ont pas besoin d’une éducation spécialisée. Être handicapé n’implique pas automatiquement un besoin d’éducation spécialisée.
Seuls les enfants handicapés sont «spéciaux». Les enfants sans handicap n’ont pas besoin d’attention particulière ou de soutien. Tous les enfants sont «spéciaux». N’importe quel élève peut rencontrer des barrières et avoir besoin d’une attention spéciale/ de soutien à un moment donné, temporaire ou permanent.
Les ONG spécialisées dans le handicap ont l’expertise pour mener des politiques et des pratiques inclusives. D’autres acteurs ont aussi une expérience et une expertise valables. Les ONG spécialisées dans le handicap sont des membres importants de l’équipe qui doit formuler des politiques et des pratiques inclusives.
Les écoles ordinaires telles qu’elles sont actuellement sont des terrains d’apprentissage idéaux. Les écoles ordinaires ont besoin d’une restructuration considérable pour se transformer en terrains d’apprentissage idéaux.
Les éducateurs spécialisés sont des experts en inclusion qui peuvent guider les enseignants des écoles ordinaires. Il n’y a pas d’experts complets en éducation inclusive, qui demande les compétences des enseignants habituels comme des enseignants spéciaux, un juste milieu qui assimile les forces des systèmes éducatifs spéciaux et généraux, en même temps que les nouvelles idées pour améliorer la qualité de l’éducation pour tous.
La responsabilité fondamentale de la mise en œuvre de l’éducation inclusive repose sur les enseignants des écoles ordinaires. Les enseignants peuvent mettre en pratique des pratiques inclusives seulement si tous les intervenants accomplissent leur part de responsabilité.
Diagnostiquer et qualifier les élèves comme ayant «des besoins éducatifs spécifiques» (BES) facilite leur inclusion à l’école. Diagnostiquer, qualifier et suivre les plans du programme individuel ne facilite pas seulement l’exclusion mais limite les attentes en termes de cursus.
L’Inde pourrait dupliquer le cadre de l’éducation inclusive conçu par des pays du Nord. Le cadre de l’éducation inclusive nécessite une conception spécifique pour le contexte indien.
Les politiques et lois sur l’éducation inclusive se traduiront naturellement en changements au sein du système scolaire. La volonté politique, économique et sociale minimale pour rendre réelle l’éducation inclusive ne devrait pas décourager nos croyances et nos efforts.
L’inclusion n’a pas marché dans certains pays du Nord, alors la même chose va arriver en Inde Il y a en Inde des exemples de réussites locales et de pratiques inclusives efficaces, dont les pays du Nord peuvent s’inspirer. Un échec dans d’autres pays ne signifie pas que l’inclusion ne marchera pas en Inde

Conclusion : Le processus de redéfinition de l’éducation inclusive et de réalisation d’une approche plus applicable dans le contexte indien a pris du temps. Cependant, nous avons ainsi bousculé des croyances et réalisé un nouvel ensemble de suppositions fondamentales. Même s’il n’y a pas encore de réponses, cette nouvelle appréciation d’un cadre indien pour l’éducation inclusive a résulté en un répertoire précieux de pratiques d’apprentissage et de recommandations novatrices, qui sont actuellement partagées avec la communauté éducative locale. Notre réussite a réaffirmé notre engagement à poursuivre le travail vers l’éducation inclusive à travers des modèles conçus de façon novatrice, que nous serions heureux de partager si vous nous contactez directement. L’ensemble revu de suppositions peut être un peu déroutant pour la communauté de l’éducation spécialisée, étant donné que la mise en œuvre du cadre qui en résulte demande des changements radicaux à la fois dans la façon de penser et la façon d’agir. Cela demande à la communauté de revoir, même d’abandonner, bon nombre de ses pratiques fondamentales. Cependant, les rôles révisés et la nouvelle direction, pour beaucoup d’entre nous qui travaillons dans un domaine de l’éducation spécialisée que nous avons choisi, sont stimulants et efficaces pour améliorer la qualité de l’éducation pour tous les élèves.

Kanwal Singh travaille dans le domaine éducatif depuis 25 ans, et peut être joint par email : kanwalsingh.in@gmail.com. Ruchi Singh est une professionnelle du développement, qui conçoit actuellement des cursus inclusifs et des environnements d’apprentissage. On peut la contacter par email : ruchi.singh.0511@gmail.com